NOUÂTRE SITE FORTIFIÉ

Ce qui va suivre a été rédigé par les soins de Mlle Isabelle Boutault

 

INTRODUCTION

Le village actuel de Nouâtre, agréable bourgade, sise sur la rive gauche de la Vienne entre l'Ile Bouchard et Chatellerault, doit son nom au château que Foulques Nerra y érigea au Xème Siècle. Mais l'origine de l'occupation remonte probablement à la période gallo-romaine, dont le site a gardé de nombreux témoignages archéologiques, localisés pour certains d'entre eux ( vicus, sites religieux, fanun ...) dans les limites même de la commune, pour d'autres (villa), à ses abords immédiats, ( La Commune de Pouzay ).

L'occupation régulière du site de Nouâtre, a laissé plus proche de nous, des témoignages de l'époque médiévale, qui composent aujourd'hui le patrimoine architectural. Citons l'abbaye bénédictine de Noyers, fondée en 1033, à quelques kms du bourg ou encore, au centre du village, dressés en un point stratégique surplombant le lit de la Vienne, les vestiges de la forteresse du XVème siècle, construite sur une motte antérieure. A quelques dizaines de mètres des anciens fossés qui la ceinturait, se dresse encore la silhouette du haut clocher de l'église parroissiale, construite à la même époque, dans le périmètre de la basse-cour.

Conscient de l'importance de ce patrimoine architectural qui, bravant les siècles, s'offre à nous comme le garant de notre mémoire, des citoyens regroupés en association se sont donnés pour but la défense et la mise en valeur de ce patrimoine historique en péril. Ce péril est venu des hommes qui l'utilisèrent dès le 18ème siècle comme carrière de pierres, provoquant sans doute la disparition des bâtiments, la mise à nu des murailles de l'enceinte, dévêtues depuis de leur parements en grand appareil régulier. Le péril est venu du temps, le temps qui passe, le temps qu'il fait aussi, puisque les crues magnifiques de la rivière n'ont fait que rendre plus vulnérable ce qui jadis résista à la sape de l'ennemi : la base des murs d'enceinte. Les eaux encore, dont le ruisselement entraîne les terres du tertre vers la base interne de l'enceinte, qui appliquent à leur tour une poussée à la base des murs déjà fragilisés par l'eau de la rivière et la végétation, et participent ainsi, à la lente mais inéluctable destruction de l'ensemble. Un patrimoine qui demande que nous ne le laissions pas mourir, sûr qu'il est d'avoir encore avoir à jouer un rôle dans le développement culturel et touristique de la vallée de la Vienne, qu'il surplombe depuis tant de siècles. Et nous sommes là , issus d'horizons divers, prêts à mettre nos compérences à contribution afin d'assurer sa sauvegarde.

LE CHÂTEAU DE NOUÂTRE

 

Cette étude préliminaire n'a pas pour vocation d'être exhaustive, elle propose une première investigation à partir du corpus des sources manuscrites, imprimées, dépouillées, des articles et monographies d'érudits locaux pour le XIXème siècle, et des études universitaires. Du Xème au XIIIème parmi les sources susceptibles de nous fournir les renseignements les plus intéressants, seules les sources narratives (Recueils de miracles, sources hagiographiques, Grégoire de Tours), les cartulaires, notamment celui de l'abbaye de Noyers, et les chroniques (chroniques du Comte d'Anjou), ont été partiellement dépouillées. la connaissance du site s'appuie essentiellement pour les XIème et XIIème siècles sur les sources fournies par le cartulaire de l'abbaye bénédictine de Noyers, dont l'ensemble s'étend de la date de sa fondation en 1036 pour les documents les plus précoces, au XIIIème siècle pour les plus récents. L'ensemble des documents réunis par les établissements ecclésiatiques tels, le cartulaire de Saint-Cyprien de Poitiers détenteur des terres sur lesquelles fut érigée l'église de Saint Révérend ( les censiers, les terriers), les comptes et terriers seigneuriaux ( châtellenie de Sainte Maure, Montbazon), les fonds notariaux, feront l'objet d'une nouvelle recherche archiviste, qui, associée à ce travail préliminaire, permettra de jeter les bases d'une étude pluridisciplinaire, historique, archéologique et stylistique. Les hypothèses avancées dans le cadre de cette étude poseront plus de questions qu'elles n'apporteront de réponses et se verront confirmées ou infirmées en fonction des résultats des investigations archivistes ultérieures, éventuellement des sondages et en l'absence d'une campagne de fouilles, des découvertes fortuites in situ.

Pour parvenir à la physionomie que nous lui connaissons, le château de Nouâtre a dû connaître depuis le Xème siècle plusieurs étapes de construction, d'adaptation, de reconstruction, modelage nécessaire pour le rendre de plus en plus adapté et performant, avant d'être abandonné et utilisé au XVIIIème siècle comme carrière de pierres. Aujourd'hui après plus de deux cents ans de négligence, le château et plus globalement le site de Nouâtre peut, grâce à la volonté conjointe des propriétaires, des habitants du village et des autorités compétentes, sortir de l'oubli. La confrontation des données obtenues par l'approche textuelle avec celles fournies par la topographie et les plans, confirme l'existence d'un ensemble bipolaire, formé par l'association d'un complexe fortifié comprenant trois mottes, avec un bourg. La motte castrale majeure qui porte encore le château de XVème siècle, s'articulait avec sa basse-cour par un pont-levis. Cette basse-cour attestée au XVème siècle était défendue par de profonds fossés en eaux encore visibles. Au delà, à moins d'une centaine de mètres, s'étendait le parcellaire du bourg. Attesté depuis le XVème siècle, le bourg était clos. L'ensemble castrum, basse-cour, bourg, reconnaissable sur les cadastres l'est aussi, grâce à une fossilisation du noyau ancien, sur le terrain.

 

LES ORIGINES DU SITE

Aux origines du bourg : le vicus

Le vicus de Nouâtre était situé sur la rive droite de la Vienne à quatre km en aval de sa zone de confluence avec la Creuse, à un carrefour routier, point de rencontre de la Via Publica reliant Tours, et d'autres voies secondaires.

La vallée de la Vienne

C'est le long de la Vienne, ce grand axe de communication Nord-Sud, sur les basses terrasses de sa vallée, que se trouvent les plus densités d'occupation romaine du Ier et IIème siècles. Ce sont ces basses terrasses alluviales faciles à travailler qui attirèrent les hommes.

La Via Publica

Selon l'itinéraire reconstitué à partir des cartes et vestiges encore repérables : elle part de Tours, traverse le Cher en direction de Pont de Ruan, de là elle longe Thilouze, passe ensuite par Saint-Epain et sert alors de limites sur 4 kms, entre les communes de Saint-Epain, Trogues, Pouzay et Noyant, avant d'arriver dans la vallée de la Vienne au Carroi de Chenevelles, à 2 kms du bourg actuel de Nouâtre et à quelques centaines de mètres du lit de la rivière. De ce point, elle se partage en deux : la voie principale poursuit vers Poitiers, pendant qu'une variante permet de desservir Nouâtre. Cette voie antique est connue sur la commune sous le nom de "Chemin du Temple". La présence de la voie romaine de Tours à Poitiers détermina le regroupement de l'habitat humain de la rive droite de la Vienne et constitua un facteur déterminant pour l'implatation des villæs à proximité des agglomérations secondaires. Le long de cette voie et du cours de la Vienne, furent établis les vici de Chinon, Mougon, Nouâtre et Antran. A la fin de la Tène, au IIème siècle, une villa à plan méditéranéen fut implantée à proximité de l'agglomération Nouâtraise : elle établissait dés lors, un espace en rapport étroit avec l'agglomération secondaire, qui lui fournissait, à proximité (environ 3 kms), une place d'échanges commerciaux (voies fluviales, routières), un lieu de culte, un lieu de protection (système défensif, présence militaire). Le bilan des recherches géophysiques de la photographie aérienne ainsi que des sondages ont localisé le vicus ainsi que cette vaste villa d'une vingtaine d'hectares environ au carroi de Chenevelles.

Le Vicus

Le vicus antique de Nouâtre se trouve sous une partie du village actuel, la couche archéologique y est accessible à 0,80 m de profondeur. Les prospections archéologiques ont révélés, un important dépôt de céramique au Sud de la motte, sans qu'il soit découvert de fours, et une nécropole à incinération, localisée quant à elle le long de la voie Tours à Poitiers à l'Est du boug actuel.

L'évolution du vicus : le bourg et le premier château

La translation de Saint Révérend

 

La source unique nous permettant de suivre cette évolution est le récit de la translation de Saint Léger et Saint Révérend (chroniques de l'abbaye de Saint Maixent). Elle nous apprend qu'il fut procédé en 681 à la translation des reliques de Saint Léger évêque d'Autun, vers Saint Maixent. Nous devons à D.Oury la reconstitution, d'après le cartulaire de Saint Cyprien de Poitiers, de la translation, vers 850, du corps de Saint Révérend, qui reposa jusqu'au IXème siècle à Cérisy et que l'on retrouve au Xème siècle à Nouâtre. Au Xème siècle, probablement à cause des invasions normandes, tous les corps des saints de Bayeux prirent le chemin de l'exil. Un groupe de moines arrive à Nouâtre à une date indéterminée, vers 850, avec les précieuses reliques et s'y installe sur un domaine appartenant à l'abbaye saint Cyprien de Poitiers. Si le choix du lieu s'explique, en partie par le rattachement du domaine à la dite abbaye, on y voit un indice de la présence déjà à cette époque d'un lieu fortifié capable de protéger le corps saint, ainsi que la délégation de moines. L'état lacunaire des sources ne permet pas, en l'absence de fouilles archéologiques, d'affirmer ou d'infirmer une telle hypothèse. Tout au plus peut-on reconnaître dans le site de Nouâtre à cette époque un vicus situé à un carrefour routier, à proximité immédiate d'une voie d'eau navigable offrant une voie de pénétration aisée aux invasions : pourquoi des moines à la recherche d'un asile pouvant protéger la dépouille de leur Saint, auraient-ils choisi un endroit aussi exposé, si ce n'est parce ce que s'y trouvait déjà probablement une structure défensive (ancien camp romain) capable de leur fournir une protection effective?

Une communauté de moines veille encore sur le corps saint en 943 et c'est pour elle que l'abbé de Saint-Cyprien Aymon, relève à l'intérieur du castrum l'église, sous le vocable de Saint Révérend. Cette dernière existait encore au XIIème siècle. Nous sommes ainsi assurés de la construction d'un castrum dès 925 et d'une église au moins dès 943. L'emploi du terme construit peut-il à lui seul laisser penser que celle-ci vint succéder en son lieu et place à une église primitive, comme ont voulu le croire nombre de chercheurs? Seule une campagne de fouilles pourrait apporter une réponse définitive à cette interrogation. Cette église sortit du domaine de l'abbaye de Saint-Cyprien à une époque indéterminée. Un document authentique rapporte qu'en 944, le corps de Saint Révérend fut transféré de Nouâtre (Noiastrum Castrum) au monastère de Saint Jean de Poitiers et de là, à celui de Saint Jean d'Angely où il trouva un asile définitif. Selon l'usage, une part plus ou moins importante des reliques des saints était conservée aux lieux de leurs diverses stations, l'église de Nouâtre conserva une partie de reliques, si bien qu'au XVIIème siècle, les seules encore existantes étaient celles de Nouâtre, de Sainte Radegonde de Poitiers et peut-être celles de Vendôme.

 

Le cartelaire de Noyers

 

Selon les chartes du cartulaire de Noyers deux églises devaient s'élever à Nouâtre au XIème et XIIème siècles.

Une charte postérieure au XIIème siècle fait état d'une église dédiée à Saint Léger et appartenant à l'abbaye. Or en 681, lors de la translation de Saint Léger évêque d'Autun vers Saint Maixent, l'évêque de Tours, Bert, accompagna le cortège jusqu'à Ingrandes sur Vienne, qui se trouvait sur le tracé de la voie antique Tours Poitiers, via le vicus de Nouâtre. Les auteurs s'accordèrent pour reconnaître, dans les faits miraculeux qui scandèrent la translation en 681 des reliques de Saint Léger évêque d'Autun vers Saint Maixent sur le tracé de la via publica, l'origine de la fondation de l'église de Nouâtre. De ce fait, ils lui reconnaissaient sur toutes les autres églises de cette viguerie des bords de la Vienne.

La charte n°= 130 vers 1085 mentionne une "capella extra castrum" qui fut donnée aux moines de Noyers par Ganilon, chevalier de Nouâtre, avec le bourg qu'il possedait auprès du castrum. L'utilisation du terme castrum dans les textes médiévaux n'est pas univoque, il peut tout à la fois indiquer un château (motte, donjon, enceinte) ou un château et sa basse-cour, protégée ou non par une deuxième enceinte, formée la plupart du temps par un fossé et une pallissade au Xème siècle, voire d'une muraille en pierre à partir du Xième siècle. Quant au terme capella, il peut aussi bien évoquer une chapelle qu'une église. Ce bourg auprès du castrum, pourrait-il être identifié à la ville mentionnée par Jean du Fou dans son aveu de 1483 .... oultre le dict ruisseau est ma ville de Nouâtre qui anciennement était close et fermée.....? Dans l'affirmative l'emplacement du bourg du XIème, comme de la ville du XVème serait à localiser à l'extérieur des limites de la basse-cour du castrum, au delà du ruisseau du Réveillon qui la ceinturait à la date de la rédaction de la charte soit 1085. L'église "extra castrum" offerte à l'abbaye de Noyers pouvait alors, soit s'élever dans l'enceinte de la basse-cour, soit si l'on étend le sens du terme "castrum" au château et à sa basse-cour, dans le bourg, au delà du Réveillon.

Dans la charte n°=631, datée de 1186, soit un siècle plus tard, il est fait mention de l'église du "castrum" dédiée à Saint Réverend.

 

Conclusion

Après lecture il semble bien que l'on est été en présence, dès le XIème siècle d'un ensemble formé d'une agglomération appelée bourg (burgus), associé à un castrum (édifié pour sa part au Xè), mais fondé hors de son enceinte, nul doute non plus qu'il y ait eu aux XIème et XIIème siècles deux églises distinctes, dont les emplacements exacts restent à définir : l'une répondant au vocable de Saint Léger, construite à l'extérieur du castrum, et que l'on peut localiser soit à l'intérieur du périmètre de la basse-cour, tel qu'il est définit dans l'aveu du XVème, à l'emplacement même de l'église actuelle, qui serait venue la remplacer, soit dans le périmètre du bourg, au delà du castrum. L'autre, dédiée à Saint Réverend édifiée à l'intérieur du castrum et dont l'origine pourrait remonter au Xème siècle (943).

Une structure bipolaire : le bourg et le castrum

Le bourg actuel qui, dans sa partie la plus ancienne correspond au complexe bourg, motte fortifiée, basse-cour, s'élève sur la rive rive droite de la Vienne, à une altitude de 43, 44 mètres, soit 4 à 5 mètres au-dessus du niveau du lit de la rivière. Le ruisseau du Réveillon traverse le bourg actuel selon un axe Sud Sud Est/Nord Nord Est, avant de rejoindre la Vienne, au pied du versant Nord du tertre. La morphologie et l'organisation topographique du complexe bourg, castrum se lit parfaitement, si l'on considère les données que nous fournissent le terrains et les plans cadastraux. Le castrum et sa basse-cour sont adossés à la Vienne, qui fait office de ligne défensive à l'Ouest. Le château se dresse en position dominante sur sa motte, et à ses pieds les fossés offrent une ligne de défense rapprochée. Au delà vers l'Est et le Sud, c'est la limite de la basse-cour (talus et ruisseau), qui servait de ligne de défense et faisait face ) la campagne environnante et au bourg (situé dans le prolongement de la voie traversant selon un axe Est Ouest la basse-cour).

 

 

LE BURGUS

Le Bourg, castral ou rural, est toujours une originalité de l'Ouest Français, lié à l'essor démographique, il est toujours pourvu d'un toponyme ancien et est établi à proximité d'une église parfois bien antérieure. Lorsque Ganilon fait don au XIème Siècle, de son bourg et de l'église qui lui est liée à l'abbaye de Noyers, la fondation des bourgs en Touraine par des membres de la petite et moyenne noblesse, constitue la forme principale du regroupement des hommes. La plupart des bourgs y sont fondés au moment de la mise en application de la réforme grégorienne, ils s'inscrivent dans la mise en place du réseau des prieurés bénédictins. Cette restitution précoce des biens écclésiatisques commencée au milieu du Xème siècle en Touraine, était achevée dès 1130.A Nouâtre, le bourg, qui fait parti des 46 bourgs implantés en Touraine (pour la plupart dans le Sud, 14 établis pràs des châteaux), est déjà fondé lorsque l'église est restituée: ce fait pourrait plaider en faveur d'une association plus directe avec le castrum. Mais l'absence d'acte de fondation ne permet pas d'établir avec certitude si l'on est dans ce cas en présence ou non d'un bourg castral, fondé par le seigneur châtelain. Ce qui s'offre aux yeux de l'enquêteur, après la lecture des plans cadastraux et la visite in-situ, c'est l'absence d'habitat dans le périmètre de la basse-cour, enclos ecclésial compris: son développement s'est concentré hors des limites fossoyées de la basse-cour, dans le bourg. Le castrum n'aurait alors abrité que les édifices associés à la résidence seigneuriale, comme le laisse à penser, l'aveu de 1483: tour maîtresse, fortification, basse-cour avec chapelle ou église, dépendances (halles....) résidences des milices. L'espace libre de l'enclos ecclésial ne se serait loti que tardivement et partiellement, puisqu'aujourd'hui encore, les espaces non bâtis sont majoritairement présents dans l'ancienne basse-cour et plus particulièrement dans l'ancien enclos ecclésial.

Le système défensif de Nouâtre:

Le site défensif de Nouâtre tel qu'il nous apparaît aujourd'hui aurait été entamé au cours des derniers siècles de certains de ses éléments majeurs qui faissaient de cette forteresse selon certains auteurs une "place d'importance" au sein du système défensif régional depuis le Xème siècle. L'abbé Chevalier nous décrivait la topographie de la forteresse en ces termes : A défaut de ces témoins, il suffirait de regarder la disposition des lieux pour reconnaître un camp permanent. En effet le ruisseau de Maillé a été divisé, au pied même de la motte en deux ruisseaux qui l'entourent sur la partie extérieure de son pourtour, et de là vont se jeter dans la Vienne par un fossé large et profond, en enveloppant ainsi dans cet espace triangulaire tout le bourg, l'église et le château actuel. La motte ou donjon occupait la pointe de ce triangle. Tel était à l'origine le camp retranché qui commandait en ce point le passage de la Vienne, commandé sur l'autre rive par La-Motte-au-Fils-Yvon. Plus tard, probablement dans le courant du XIème siècle un château de pierre fut bâti sur le bord même de la rivière, et compléta un système formidable de défense. Sur les ruines de ce château Jean d'Estrouville en construisit un autre dans les dernières années du règne de Charles VII, et Jean du Fou l'acheva de 1467 à 1494.

Trois éléments défensifs hiérarchisés:

1) Une motte " aux proportions importantes" , élevée à l'angle Sud du triangle.

2) Une motte fortifiée en bordure de rivière, sur la rive droite de la Vienne servant sans doute de plate-forme à la tour majeure (le castrum) se dressait en position domininante.

3) Faisant face à la première, sur la rive gauche de la Vienne " La Motte-au Fils-Yvon"

se serait articulés entre eux pour former un "triangle défensif" dans le périmètre duquel s'étendait une basse-cour.

 

Le Castrum.

Le castrum est mentionné pour la première fois en 925 (Concile de Touraine) Novocastrum, cette terminologie évoque le "nouveau château" et ferait pencher en faveur d'une construction récente. Avant cette première mention, le vicus s'appelait Nogastrum. La paternité de la nouvelle construction fut attribuée à Foulques Nerra comte d'Anjou. La date de 925 place le "castrum" de Nouâtre parmi les fortifications Castrales fondées par Foulques Nerra et destinées à servir sa politique de conquête de la Touraine, qu'il dispute alors aux comtes de Blois. Ils n'étaient à ce tître que des fortins "opérationnels" : d'abord bases d'attaques du Comte, ils étaient ensuite l'instrument indispensable de sa dominition sur les terres conquises. Or, en établissant des forteresses en bois - matériau qui permettait une construction rapide coûtant peu - il disposait rapidement d'une position forte, apte à soutenir un siège, et dont le commandement pouvait être assuré par un simple gardien, choisi parmi ses fidèles et chargé d'en parfaire les défenses.

 

Au total les donjons que fit construire Foulque Nerra étaient donc tous en bois sur mottes et s'inscrivaient dans une politique offensive. Les Chroniques des comtes d'Anjou nous aprennent que Foulque Nerra fit construire treize Châteaux en Touraine, dont ceux de Langeais et Sainte Maure et d'autres forteresses, et qu'il fit rénover certains autres ( des forteresses anciennes de dimensions souvent importantes comme Loches, Chinon, Amboise, etc ......) auxquels les Angevins imposeront leur conception de défense, pour atteindre le total de vingt-sept. Dans son article Mr Deyres a montré comment, malgré les réfections successives ( le plus souvent : remplacement du donjon en bois par un donjon en pierre au XIIème siècle), on pouvait reconnaître l'utilisation - qu'il s'agisse de construction ex nihilo ou de réfection de châteaux plus anciens - d'une formule Angevine, d'un parti archicecturel unique, tant dans "l'implantation que la composition des bastions". Un castrum est établi sur un promontoire ; il est délimité par des pallisades. La première motte en position de barrage est séparée du plateau par un fossé (Langeais, Montbazon, Amboise, au Puiset) la seconde (la motte principale) est en position de dernier refuge, à la pointe aval de l'éperon, elle porte le donjon en bois et protàge le domicilium en pierre (construit en contrebas à Langeais). Entre les deux s'étend la basse-cour. Cette formule s'est imposée durant tout le XIème siècle, avant d'être supplantée au XIIème siècle par celle du donjon en pierre incluant le domicilium, adopté pour la première fois par Foulque Nerra à Montbazon vers 1050.

 

La technique de construction des mottes sur terrains :

Les textes anciens ne mentionnent pas les techniques de construction utilisées lors de l'édification d'une motte, et les sources iconographiques sont difficilement interprétables. Seules les données fournies par les fouilles apportent un éclairage nouveau. On procédait au traçage au sol du périmètre de la base suivant un plan circulaire. ovolaire ou quadrangulaire, les fossés étant ensuite creusés le long de cette ligne et l'on rejetait les terres sur la rive intérieure afin d'être utilisées à l'édification du tertre.

 

La structure interne de la motte :

Lorsque les mottes sont des constructions totalement artificielles, le tertre est composé, soit par accumulation de matériaux stratifiés ou non à partir d'un niveau de sol, soit plan, soit présentant un rehaussement naturel ( ces tertres artificiels ont une hauteur généralement faible, environ 5 à 6 mètres), soit élaboré autour d'un noyau dur vitrifié ou en cours de vitrifiction. Les dimensions courantes de ces tertres terrassés - une trentaine de mètres de diamètre de hauteur maximum - permettaient la réalisiation d'une plate forme sommitale d'une dizaine de mètres de diamètre, qui portait une installation de caractère résidentel ou militaire. Le volume des terres dépasait 5000 mètres cubes. Le fossé ceinturant la butte pouvait avoir 4 mètres de large pour une profondeur de 3 mètres. Afin d'obtenir les 5000 mètres cubes de terre nécessaire à la réhabitation de la butte, il fallait utiliser les terres extraites du fossé de la baille. les flancs de la motte ont une pente généralement de 50° ou plus, ce qui donne comme forme globale celle d'un tronc de cône. Pas moins de cent manoeuvres étaient nécessaires pendant une quinzaine de jours à la réalisation d'un tel ouvrage de terrassement. L'érection de la tour exigeait que la plate-forme sommitale fut de dimensions suffisantes pour l'aménagement d'une terrasse bordée par une palissade. De manière à assurer la stabilité de la tour, les madriers étaient posés sur une assise plane de matériaux plus durs (briques, bois) et la base de la tour partiellement emmottée dans certains cas.

La Motte n'est qu'un élément d'un ensemble, elle porte l'installation seigneuriale ou résidentielle et à ses pieds se trouvent aménagées une ou plusieurs basses-cours, protégées d'un rempart de terre, palissé ou pas.

L'Habitation du Seigneur : Elle prenait place soit au sommet du tertre et sa taille était alors subordonnée à la superficie de la plate-forme sommitale souvent modeste. Elle devait donc se développer en hauteur, en forme de tour. La tour ne servait, vu l'exiguïté des lieux, que de résidence occasionnelle en cas de siège uniquement. Le plus souvent la résidence du seigneur se trouvait au pied de la motte, dans la basse-cour, elle pouvait comprendre un bâtiment résidentiel, une chapelle et diverses dépendances.

La Basse-Cour ou Baile:La basse-cour avait l'aspect de toutes les dépendances d'une ferme, étables, écuries, logement du personnel, etc... La communication avec la tour s'effectuait soit par une passerelle enjambant le fossé, soit par une rampe d'accès charpentée posée sur le flanc du tertre.

Les Seigneurs du Château de Nouâtre.

 

Les recherches de P.Souty sur les premiers seigneurs de Nouâtre l'ont amené à préciser, voire infirmer la liste donnée par J.X Carré de Busserolle. Le premier fut Guenon dont Foulque Nerra alors en guerre traversa la terre (Chroniques des Comtes d'Anjou), sur ce fief le comte érigea un castrum, le fief ainsi créé fut transmis à son petit fils, Foulque l'Oison, puis au fils mineur de ce dernier, Bouchard de Vendôme. Son oncle Guy de Nevers, qui fut son bailliste, de 1066 à 1075, fut le seigneur de Nouâtre, avant que Bouchard devenu majeur ne le devienne à son tour comme nous le précise la charte 118 du cartulaire de Noyers (vers 1084): "Geoffroy, fils d'Othon, avait une terre aux environs de Nouâtre, que lui enleva d'abord Guy de Nevers, seigneur de Nouâtre, et après lui Bouchard, comte de Vendôme, qui eut Nouâtre après Guy. A la suite des tentatives de reconstitutions du lignage de Sainte-Maure de qualités diverses, pour les XIème et XIIème siècles, E.Lorans a établi un arbre généalogique corrigé et augmenté, qui a servi à compléter la liste des seigneurs de la maison de Sainte-Maure, détentrice du Fief de Nouâtre du XIIème siècle jusqu'à la révolution. Quatre familles se succédèrent à la tête des seigneuries de Montbazon et de Nouâtre : celle des Craon, suivie des de La Rochefoucault, puis des du Fou, enfin celle des Rohan. Construit dès le début de la conquête de la Touraine par le Comte d'Anjou Foulque Nerra, il n'est pas exclu que le castrum ait été l'objet de transformations et d'aménagements ultérieurs, de l'ordre de ceux réalisés dans les autres castra, tenus ou fondés, par les Angevins : substitution des tours de bois par des donjons de pierre. La tour maçonnée adoptait le parti du donjon carré, complété d'un mur d'enceinte à une époque (XIème et XIIème siècles), où les techniques de construction en pierre s'amélioraient. Le premier en date, fut le domicilium de Langeais construit par Foulque Nerra lui-même vers 994. Plusieurs donjons offrant une grande ressemblance avec Langeais furent construits dans la première partie du XIème siècle : Loches, la Roche-Posay, Montrichard, Semblançay, Le Grand Pressigny. Le castrum de Nouâtre a pu subir alors des modifications affectant sa structure afin de l'adapter aux avancées de la défense, ainsi qu'à celle de la technique architecturale. Dans le courant du XIIème siècle, Philippe Auguste se rend maître de la Touraine, mais les Plantagenêts occupent toujours le Poitou à quelques dizaines de kilomètres de la citadelle Nouâtraise. Aurait-elle de ce fait subi les aménagements destinés à parfaire les éléments de défenses devenus caduques ? Devant le mutisme des textes, seule la découverte de sources nouvelles et les informations fournies par une campagne de fouille, pourraient apporter des éléments de réponse.

La Motte Sud

Lorsque l'abbé Chevalier constate la présence de la Motte au Sud du bourg de Nouâtre, il n'en subsiste plus qu'un tout petit monticule. La fouille partielle effectuée en 1853, donc avant sa destruction, n'apporte aucun élément nouveau quant à sa destination réelle. Certains y ont vu un tumulus, d'autres une motte fortifiée. Malheureusement sa destruction lors de la construction en 1930 du pont et de la voie qui le prolonge, l'a dénaturée, rendant son étude désormais impossible. Sur le cadastre de 1827, cette motte avait des dimensions beaucoup plus importantes que celle portant le château du XVème siècle. Que penser alors de cette motte, qualifiées au XIXème siècle de considérable? Aurait-elle eu les mêmes proportions s'il s'était agi d'un simple tertre destiné à asseoir un tout autre habitat, ou correspond-elle plutôt à une motte castrale, dotée de fortifications légères, et faisant office, de défense avancée, au Sud, vers la vallée ?

La Motte-au-fils-Yvon, Commune de Marcilly sur Vienne

 

Les chartres de Noyers évoquent différents lieux-dits, dont celui de La Motte-de Sulion (seconde moitié du XIème siècle), de la "Mota" (XIIème siècle), connu plus tard sous le nom de La Motte-Yvon (XIV ème siècle), La Motte-Marcilly ou La Motte- sous -Nouâtre ( du XVème au XVIIème siècle), La Motte-Piolant (XVIIème siècle). "Le château de la Motte", au Sud-Est du pont conduisant à Nouâtre, rappelle que le gué avait été protégé par une énorme motte fortifiée sur chaque rive, toutes deux ont disparu aujourd'hui. Seule une étude exhautive des sources d'archives associée à une campagne de fouilles archéologiques serait en mesure de nous fournir les données qui permettraient d'établir sa destination, de déterminer si celle-ci porta ou non une fortification, enfin de donner le type de fortification (forme, matériaux).

Les Textes

Les chartes du cartulaire de l'abbaye de Noyers, mentionnant des mottes environnantes, mais ne livrent aucune précision quant à leur localisation, encore moins sur leur destination. Dans la notice 86 datée de 1081, rédigée lors d'une vente de terre entre un dénommé Sulion " Séche-Mer" et les moines de l'abbaye voisine de Noyers, Sulion est dit en possession d'une roche. Nous retrouvons de nouveau cette même terminologie, dans une notice du même cartulaire, mais cette fois à propos d'une autre "roche", celle de Zacharie de Marmande, détruite avec son château par le Vicomte de Chatellerault, avec lequel il était en guerre. Il faut reconnaître là, une motte artificielle ou naturelle sur laquelle était érigé son château. Dans la même notice un peu plus loin,le scribe utilise le même terme pour qualifier ce qui était vraisemblablement un souterrain refuge. Toute la difficulté réside, on l'a compris , dans l'interprétation à donner à des termes, dont le sens varie d'un texte à l'autre , voire à l'intérieur d'un même texte. Lorsquele terme de "roche" qualifie une proéminence naturelle ou artificielle, il reste à définir ce que celle-ci était déstinée à porter : une installation résidendielle, militaire, in moulin, ou un simple habitat....? La "Roche-Sulion" n'est pas localisée précisement par les textes, mais un charte datée de 1101 (cartulaire de Noyers) nous apprend que Guy, fils de Sulion, fils de Thiés, donne à l'abbaye de Noyers l'église de Marcilly avec tout le juniorat, les offrandes de l'autel, la présentation, tout le bourg, la viquerie, avec tout les droits coutumiers sur ceux qui y habitent, la moitié de la foire en la fête de Saint Marie Madeleine, et de la moitié du four. Sulion agit ici en seigneur en faisant don d'immeubles, de terres, d'hommes et des droits coutumiers qui leurs sont liés, ce qui fait de lui le seigneur présumé de la motte construite sur la rive gauche de la Vienne, appelée à cette époque la Motte-Sulion. Nous savons par un aveu que Pierre de la Jaille, chevalier fit, le 20 mars 1412, à Jean de Craon pour son fief de la Motte-au-Fils-Yvon, qu'il relevait de Nouâtre à "foi et hommage lige et 4 livres aux loyaux aides". Dans un second aveu, celui de Jean du Fou seigneur de Nouâtre, daté du 10 juillet 1483, est mentionné un"hostel ou maison" de la Motte-au-Fils-Yvon relevant de Nouâtre à "foi et hommage et 30 jours de gué". Un troisième aveu, de Claude de Crevant daté de 1540, nous montre le château pourvu " de fortifications importantes. Il était entouré de fossés et l'on y pénétrait par un seul pont-levis. Derrière la forteresse était une motte, défendue également par des fossés. Il existait, dans l'intérieur du château une chapelle dont le titulaire était nommé par l'abbé de Noyers.

Les Seigneurs de la Motte-au-fils-Yvon

Au XIème siècle Anstérius de la Motte, fils d'Archambault Le Long, frère d'Odile de Nouâtre (mariée à Ivon de Tavant), était en possession de la motte sur la rive gauche de la Vienne . Le premier titulaire connu du fief s'appelait Aimericus Filius-Yvonis chevalier banneret, lui même fils d'un autre Aimeri Fils-Yvon. On retrouve ce patronyme Fils-Yvon dans de nombreuses chartes du XIIème siècle (1144-57-80-84). La famille de la Jaille-Yvon,qui posséda le fief de La Mothe-Yvon du XIVème siècle au XVIème siècle, tire som nom de la seigneurie angevine appelée La-Jaille-Yvon; elle posséda en Touraine les seigneuries de l'Isle, de Crouzilles, de la Motte-au-fils-yvon, de Draché... et figure parmi les bienfaiteurs des abbayes de Noyers, de Turpenay, et du prieuré des chartreux du Liget. Le premier de la lignée s'appelait Yvon, son fils (considéré comme un fidèle du comte Foulque Nerra) fut le premier seigneur de Château-Gontier. Ces deux familles qui portaient le même nom et possédèrent la même seigneurie ont pu avoir la même origine.

Conclusion

En conclusion sur les trois mottes castrales, dont une présumée, deux seulement témoigneraient, selon les textes, d'une occupation constante depuis le Xème siècle, pour la motte du château de Nouâtre, depuis le XIème siècle pour La Motte Marcilly. La vallée de la Vienne n'offrait pas à cet endroit d'éperon rocheux ou de relief du terrain propre à y établir un fortin. Mais le choix de Foulque Nerra d'y construire une fortification sur motte peut sans doute s'expliquer par la recherche de l'eau comme moyen de défense, par la possibilité de surveiller les gués et les passages des voies de communications et de lever les péages. Malgré l'absence d'un éperon rocheux, la distribution sur un périmètre restreint de deux mottes de taille importante, rappelle le parti architectural adopté par Foulque Nerra pour la construction de ses châteaux : plusieurs mottes, au moins deux, contrôlaient l'éperon, l'une vers le plateau en poste avancé, l'autre vers la pointe de l'éperon en protection du domicilium : les deux servant d'assise à une fortification en bois, le rôle d'ultime refuge en cas d'assaut et de siège, étant dévolu à la seconde. Peut-on à l'instar de P.Souty conclure à l'existence d'un véritable complexe défensif à Nouâtre ? La comparaison des plans d'ensembles des castra construits par Foulque Nerra à la même époque avec le plan cadastral de 1827, valide cette opinion. A Nouâtre, comme sur les sites fortifiés de Langeais et Montbazon, deux mottes ont été édifiées sur un périmètre de forme triangulaire, délimité au nord, au sud et à l'Est par le détournement du ruisseau du Réveillon, en provenance de Maillé. La hauteur des talus confirme l'existance à cet endroit de fossés creusés de mains d'hommes qui, en eaux la plupart du temps, venaient renforcer la défense assurée à l'Ouest par la Vienne. Entre les deux mottes, séparées d'elle par des fossés, s'étendait la basse-cour. Cette configuration apparaît encore très nettement sur le plan cadastral de 1827. La faible occupation des lieux depuis le Xème siècle a maintenu la topographie du site au moins jusqu'au XIXème siècle (mottes, fossés,...) alors qu'on le sait, les mottes et les structures de terre sont le plus souvent détruites par l'extension des bourgs et par des remaniements de terrains, voire par les arasements (motte sud). Cette unité qui fonctionnait comme un ensemble cohérent où chaque élément occupait une place déterminée, s'est vue au plus tôt dès l'origine, au plus tard au XIème siècle, renforcée d'un poste avancé, composé au minimum d'une motte avec fortification en bois, dressée sur la rive opposée dans l'axe de la motte aujourd'hui disparue. Le vis-à-vis de ces deux mottes castrales établies chacune sur une rive de la Vienne rendait possible un verrouillage efficace du gué ainsi qu'un contrôle de la navigation. Il n'est pas rare au Moyen-Age de trouver une multiplication de mottes sur un même site, puisqu'elles répondaient non seulement, à des préoccupations d'ordre stratégique et défensif, chaque motte est à considérer comme un organe de défense supplémentaire, motte de flanquement, motte auxillaire. Parfois on a à faire à des associations familiales, les occupants se prêtant un appui mutuel, ou encore, on peut y voir les premières manifestations des partages : le seigneur désireux de ne pas amputer son patrimoine, ni son autorité, pouvant admettre que l'un des siens constuise une motte castrale à quelques distances pour mieux contrôler la région.

 

Le château du XVème siècle et la motte du Xème siècle

Par acte du 8 avril 1450, Aymar de la Rochefoucault et sa femme vendent la terre de Nouâtre et d'autres domaines à Jean d'Estrouville pour la somme de 15 000 écus d'or. A la suite de cette vente, Loius XI autorise par une charte datée de 1543 et rédigée aux Montils, Jean d'Estouville à " relever les fortifications de son château de Nouâtre". Cette vente fut annulée par un arrêt du parlement daté de 1467. Jean du Fou, son beau frère, se trouva seul propriétaire, et Jean d'Estouville fut dédommagé des défenses qu'il avait faites pour la reconstruction de la forteresse. Jean du Fou obtint du roi le 26 février 1467, les lettres lui conférant, le droit de gué et de garde, dont ses prédécesseurs avaient usé, sur les habitants de la seigneuries de Nouâtre. Ce texte nous éclaire sur l'état du château à la suite de la guerre de 100 ans : "mais à l'occasion des guerres et divisions qui longtemps ont esté en notre royaume, le chastel du dit lieu Nouâstre a part longtemp resté en ruine et désolation jusqu'a ce que puis naguère notre aimé et feal conseiller et chambellan Jehan d'Estouville , fist, rediffier et réparer le chastel et place forte du dit lieu". Vu l'état de dégradation et de vestusté des bâtiments du château et l'incommodité dans laquelle se trouvaient les habitants du bourg contraints de faire le guet au château royal de Chinon, duquel dépendait le château de Nouâtre, le roi consentit à leur restituer le droit de guet. Les vestiges du château datent de cette reconstruction connue par un aveu de Jean du Fou daté de 1483. Le Château fut édifié sur motte et entouré d'une enceinte fortifiée dont les bases des tours se trouvent actuellement à quelques mètres de distance du lit de la rivière, et au dessus du niveau moyen de son cours (environ 1 mètre). En considérant que la Vienne a surcreusé son lit, et que les fossés étaient en eau au XVème sième, les bases des murs et des tours étaient donc baignées par l'eau de la rivière. Aujourd'hui hors d'eau, exepté pendant les périodes se crues, l'enceinte est accessible sur la totalité de son pourtour.

 

Sa configuration

L'enceinte : L'enceinte extérieure est de forme géomètrique se rapprochant du carré, avec un angle tronqué (Nord-Est). Trois tours circulaires flanquent ses angles et deux tours jumelées se dressent sur sa face Sud. Le nombre initiale de ces tours devait être de sept, une à chaque angle, deux entourant le pont-levis, deux sur chaque arête de l'angle tronqué. Malgré la disparition des parties hautes des murailles et des tours, il est assez aisé d'imaginer l'aspect originel de l'enceinte externe, qui présentait à l'extérieur de hauts murs de tuffeau, d'un grand appareil régulier, dont il demeure quelques vestiges, malgré le vandalisme révolutionnaire qui le priva en grande partie de ces parements extérieurs. les tours d'angles conservent pour partie leur élévation intérieure et extérieure originelle, ainsi que les vestiges d'échauguettes et de latrines (tour Nord-Ouest). Leur étude reste impossible, leur accès en l'absence de consolidation, est trop dangereux.

 

Le Tertre :La configuration actuelle du tertre laisse peu de doute sur son éventuelle mutilation lors de la reconstruction du château au XVème siècle : son enceinte fut construite selon un tracé rectiligne, qui n'est pas tangent à la courbe extérieure de la motte - comme celà semble être le cas au Sud et à l'Ouest - mais parallèle à l'axe des fossés. Ce tracé entame le tertre de ses versants Nord et Est. Sa circonférence en est diminué d'environ un tiers au Nord et à l'Est. Les flancs Est et Sud du tertre originel paraissent avoir été coupés à angle droit, et la plate-forme somminale remblayée, peut-être à cette occasion, avec les terres récupérées. La plate-forme somminale bien aplanie se trouve donc immédiatement botdée au Nord et à l'Est par le mur d'enceinte du XVème siècle dont les parois sont de ce fait en contact direct avec les terres du terrassement sur toute leur hauteur. Il se peut que le creusement des fossés Est et Sudsoit à l'origine de cette amputation. Quoiqu'il en soit, nous avons là un exemple de réutilisation et transformation - à un moment où les mottes ont depuis longtemps été abandonnées - d'une motte castrale. La configuration du terrain, la présence de l'eau et son utilisation dans la défense passive, la dénivellation importante entre le fond des fossés et le sommet des murs, furent sans doute autant d'atouts en vue de sa réutilisation et de son adaptation aux fortifications du XVème siècle.

 

La Plate-Forme : Sur la plate-forme somminale, les vestiges de murs, affleurent au niveau du sol. Leur examen sommaire montre qu'il y avait probablement, une construction ou une chemise ( vestiges visibles sur le flanc Ouest ) aux limites extérieures de la plate-forme ( vestiges absents du côté Est ; là la plate-forme est directement en contact avec le mur d'enceinte ). A l'Ouest, entre les vestiges maçonnés et le mur d'enceinte, le flanc du tertre est en pente raide sur 35 mètres. La base de la muraille, entre les deux tours qui flanquaient le pont-levis, est percée d'une porte grossièrement creusée dans l'épaisseur du mur, elle donne accès à une vaste salle rectangulaire, aménagée dans les terrassements de la motte. Il s'agit d'une pièce voûtée d'un berceau à doubleaux, dont le départ se situe au niveau du sol actuel ( qui ne correspond probablement pas au niveau d'origine ). L'ensemble homogène est parfaitement appareillé et jointoyé ( moyen appareil en tuffeau ).La hauteur sous voûte de cette salle est de 2.80m, pour une largeur de 5.60m et une longueur de 9m. Il s'agit sans doute d'une construction contemporaine de la reconstruction du XVème siècle, qui a pu consister en une réprise et/ou transformation d'une cavité préexistante, comme celle nombreuses attestées sous les mottes. Elle ne correspondait initialement avec l'extérieur, que par l'intermédiaire d'un puit, ou goulot appareillé de plan carré/rectangulaire, ouvert dans l'épaisseur de la voûte. à partir de l'intrados de la voûte, il traverse l'épaisseur des terres du tertre sur une hauteur de 2.32m. Ce goulot ne présente aucune rupture d'appareil significative avec la voûte, ce qui militerait en faveur de leur contemporanéité. D'après les propriétaires actuels dont la famille détient le site depuis 4 générations, cette salle est inondée à chaque crue. Quelle était la destination de cette salle, sachant qu'elle était probablement en eau si - comme le précise l'aveu de 1483 - les fossés baignaient le pied de la muraille, et qu'en plus elle ne communiquait avec l'extérieur que par deux conduits : un premier conduit ( large d'environ 1.5m ), et le second conduit ( d'aération ? ), creusé dans l'épaisseur des maçonneries, derrière le parement en grand appareil régulier ? Nombre de mottes édifiées au Moyen-Age comportaient, soit dans l'épaisseur de leur terrassement, soit creusé dans le noyau rocheux, des cavités maçonnées ou non, voire même des galeries souterraines ( de plusieures centaine de mètres de développement ) dont les fonctions furent variées ; galerie de fuite, souterrains polyfonctionnels, ( défense, stockage et habitat). A Nouâtre comme ailleurs, les parties souterraines n'existent que par rapport aux relations qu'elles entretiennene avec la surface, et donc avec les structures ou batiments auxquelles elles sont associées. Tout porte à croire qu'ici, les fonctions de résidence pouvait être assurées en surface, par contre la salle basse associée à une construction en dur, donjon par exemple, aurait pu servir de lieu de stockage et/ou d'ultime réduit défensif. L'état d'encombrement dans lequel elle se trouve ne permet pas de mener plus loin les investigations. A la surface aucune fondation n'est visible pour le moment, seul l'emplacement de cette salle, dans l'axe du pont-levis, entre les deux tours, pourrait faire envisager la construction au XVème siècle d'une porte-donjon qui aurait communiquée avec une salle souterraine polyfonctionnelle ( stockage, refuge ...).

 

 

L'Articulation Motte/Basse-Cour. L'accès au château, et par conséquent sa communication avec la basse-cour, s'effectuait par l'intermédiaire d'un pont-levis enjambant les fossés, creusés aux pieds de la face Sud de l'enceinte. De cette entrée fortifiée, il reste : une partie des arrachements de la maçonnerie sur laquelle venait reposer le pont-levis du côté de la basse-cour, et les deux tours latérales. L'aveu de 1483 est riche en informations tant sur le château que sur la basse-cour : il nous permet de reconstituer des parties perdues de la fortification, de l'habitat seigneurial, de la basse-cour et de son enceinte. Nous apprenons ainsi que la fortification extérieure de la motte castrale, comportait une enceinte crénelée à son sommet, avec chemin de ronde et mâchicoulis et qu'elle était entourée à son pied d'une fausse-braie ( boulevard destiné à recevoir de l'artellerie légère ). La basse-cour s'étendait en descendant le long du ruisseau, entre la ville de Nouâtre ( hors-les-murs ) et étaient compris : l'église, les halles, fuyes et granges et d'autres bâtiments qualifiés de " manoirs et bâtiments ". La basse-cour est donc relativement peu construite et peu peuplée, de toute évidence le bourg ne s'est pas développé au pied du château, mais au-delà de l'enceinte du castrum. Cette agglomération était " anciennement " close et fermée ( murailles et portes comme le précise encore l'aveu de 1483 ). Ces dispositions sont en partie reconnaissables sur le cadastre de 1827 : l'habitat devient plus dense au-delà d'une courbe qui matérialise peut-être une ultime enceinte avant l'entrée du bourg. En dehors des limites du castrum le seigneur du lieu possède l' " hostel de Pierre du Faon " en mauvais état ( la chapelle est ruinée ), et qui existe encore aujourd'hui sous le nom de La-Pierre-du-Faon. Cet " hostel " était clos de grandes murailles. Face à cette demeure fortifiée, se devine par l'alignement de l'habitat et la trace au sol, un second îlot fortifié proche du carré, délimité peut-être par une enceinte, ou par des fossés.

 

Le Château au XVIIème siècle

Le château devint une des possessions des Rohan dès 1526/1527, ( incluse dans le duché-prairie de >Montbazon en 1588 ) et le resta jusqu'à la révolution. Un document découvert fortuitement à la Grand-Maison ( Thorigné-sur-Dué) en 1944 par M-A-Pioget directeur de l'école du Mans, contenait entre autre : un brouillon, daté du 14 août 1696, rédigé par R.Froger de la Carline " avocat au Parlement, inspecteur général des terres, châteaux et domaines " de " très hault et puissant Mgr Charles de Rohan, Prince de Guéméné, Duc de Montbazon et pair de France". Ce texte est en fait un état des lieux et des réparations faites ou à faire au château de Nouâtre. Nouâtre y est qualifiée de barronnie et châtellerie dépendante du duché de Montbazon et relevant du château de Chinon. Jacques de la Jaille, seigneur de la Motte-Marcilly, y jouit, de la fuye, d'un jardin et de l'aile en appentis de la grange du château. En 1666 le château est encore constitué de bâtiments qualifiés de " considérables ", mais dans lesquels il convient d'inclure ceux de la basse-cour, comme le laise entendre cette énumération sommaire ; fuyes, granges, écuries, fours, et jardins, moulin banal ( sur les bords du Réveillon ), et qui de toute façon ne pouvaient trouver leur place sur la platte-forme de la motte. ces bâtiments aussi vastes et nombreux soient-ils, sont ruinés pour la plupart d'entres-eux. Nous apprenons que des réparations furent effectuées en 1692 ; elles concernaient la tour du château destinée à servir d'habitation au fermier et le four à ban " tout crevé " ; Ces réparations précise t-on furent mal réalisées. Le château laissé à l'abandon et utilisé par les habitants comme carrière de pierre fut vendu au XVIIIème siècle comme bien national.

 

 

Conclusion

Au terme de cette étude préliminaire du site de Nouâtre, apparait sans contexte, la richesse d'un site que l'évolution urbaine n'a pour le moment pas encore fragilisé. Cette préservation en fait un objet de recherche privilégié qui pourrait participer à éclairer l'évolution des terroirs, de l'habitat, des paysages dans le Sud de la Touraine. Mais l'urgence n'est pas tant dans l'étude, que dans la sauvegarde, et pour ce faire, des fonds sont nécessaires. Bien sûr, d'autres priorités sont sans doute à l'ordre du jour, mais la mise en valeur du patrimoine de la vallée de la Vienne, en maintenant le caché des bourgades qui le longent, ne participent-t-elle pas au développement d'un tourisme vert et culturel, dont le Sud de la Touraine ne pourra se passer s'il veut rester en vie. Si les fortifications de la motte venaient à se déverser jusqu'à s'écrouler sous le poids de la végétation et des terres, Nouâtre, comme ce fut le cas pour le Grand-Pressigny, perdrait là, non seulement une partie de sa mémoire, mais aussi son emblême. L'urgenge est aussi là : lutter contre une désertification des campagnes, cela veut dire développer des activités de substitutions. Or le tourisme est une de ces activités, ne lui ôtons pas les emblêmes nécessaires à son envol.

 

 

 

Voir Aussi

NOUATRE FÛT UNE CITADELLE FÉODALE AUX XIème ET XIIème SIÈCLE.

LE CHÂTEAU

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GLOSSAIRE

Bénédictin(e): Religieux de l'ordre fondé vers 529 par Saint Benoît de Nursie et dont le monastère du Mont-Cassin fut le berceau. La règle bénédictine fait de la lithurgie, du travail des mains et du travail de l'esprit la vocation propre de l'ordre. Grands évangilateurs , les moines sont aussi de grands défricheurs, et les promoteurs de la renaissance carolingienne. Au Xème et Xi ème siècle, la pureté de la règleest restaurée par les réformes de Cluny puis de Citeaux. Un nouveau mouvement de réformes s'épanouit au XVII ème siècle, avec les congrégations françaises de Saint-Vanne et de Saint-Maur, p&pinières d'érudits. Supprimé en France sous la révolution, l'ordre fut restauré par Dom Guéranger, abbé de Solesmes, et réorganisé en 1893 par Léon XIII ; il comporte 12 000 moines r&partis en 225 maisons et 15 congrégations .Retour

Castrum: Mot entrant dans la composition de certains noms de lieux romains (camp militaire). L'utilisation du terme Castrum dans les textes médiévaux n'est pas univoque; il peut tout à la fois indiquer un château ( motte, donjon, enceinte ) ou un château et sa basse-cour protégée ou non par une deuxième enceinte formée la plupart du temps par un fossé et une palissade au Xème siècle voire d'une muraille en pierre à partir du XIème siècle. Retour

Censier : Registre foncier d'un seigneur, contenant la liste des tenanciers et de leur tenure. De Cens , redevance due par les tenanciers au seigneur du fief. Retour

Fanun : Terrain ou édifice au culte d'une divinité. Retour

Foulques Nerra:(vers 972-1040)

Étonnant Faucon Noir ! L'indomptable comte d'Anjou, qui ajouta la Touraine à ses terres en les enlevant à son rival Eudes 1er, comte de Blois, fut en effet l'un des plus grands féodaux des années 1000, plus puissant que son suzerain, le roi de France. Toute sa vie fut marquée du sceau de l'outrance et de la démesure, enchaînant exploits chevaleresques et crimes infâmes, faisant alterner les actions les plus noires avec les gestes les plus nobles... Cynique et romantique, violent et généreux, "oscillant, dira La Varende, entre le crime et le remords, la tuerie et la dévotion, le drame et la comédie", il sera d'abord un homme de guerre, fin stratège, qui décida ainsi d'ancrer plus solidement ses domaines, en les quadrillant de puissantes forteresses, dont la Touraine a conservé la plupart : Loches, Montrésor, Montrichard, Montbazon, Semblançay, Langeais...
Bien que Tours même parvînt à échapper à son empire, toutes les vallées et routes tourangelles étaient sous sa surveillance. S'il veillait sur ses biens terrestres, Foulques Nerra n'oubliait pas pour autant de se préparer un avenir dans l'au-delà, place que ses nombreux forfaits risquaient de compromettre. Ainsi, avait-il été excommunié en 996 pour être entré à cheval et en armes dans la basilique Saint-Martin afin d'y pourchasser un chanoine.
Pire ! Pour se débarrasser de sa première épouse, Élisabeth de Vendôme, qui ne lui donnait pas d'héritier mâle, il l'avait fait accuser d'adultère pour mieux l'envoyer au bûcher. Pour racheter de tels crimes, l'indomptable guerrier se rendit plusieurs fois en Terre sainte et se montra généreux envers l'Église, bâtissant à ses frais nombres d'églises et de monastères.
Il éleva ainsi l'abbaye bénédictine de Beaulieu, qu'il avait choisi pour reposer en paix, après un règne d'un demi-siècle. Il y fut enterré en 1040. Retour

Hagiographie : Branche de l'histoire religieuse qui traite de la vie et du culte des saints.Retour

In situ : Dans son milieu naturel. Retour

La Tène : Village Suisse,à l'estrémité oriental du lac de Neuchâtel, devenu site éponyme ( qui donne son nom à quelque chose ) du second âge du fer ( 450 après J-C début de notre ère ). richenécropole au mobilier funéraire abondant. Retour

Terrier : Registre foncier d'une seigneurie. .Retour

Via Publica : Les Romains ont fait preuve de méthodologie et de technique dans tous les domaines; il en fut ainsi pour les voies de communication. Bien entendu, ils ont d'abord équipé leur pays d'origine; la ville de Rome communiquait avec le reste du monde méditerranéen par un réseau en étoile de 29 routes principales (d'où le fameux dicton: tous les chemins mènent à Rome). Les Romains ont équipé rapidement toutes les contrées qu'ils ont envahi, ceci dans des objectifs stratégiques qui firent leur supériorité pendant un millénaire :
- ils devaient pouvoir se déplacer rapidement -toutes proportions gardées, à pied ou à cheval- au sein d'un empire d'une étendue inégalée: déplacement des armées, approvisionnement, commerce. Sans ce réseau efficace et durable, ils n'auraient pas pu se maintenir sur toutes les contrées conquises.
- ces travaux considérables utiles à tous montraient leur supériorité technique aux peuples envahis, qui pouvaient bénéficier de grands progrès dont ils n'étaient pas capables par eux-mêmes, amenant une "colonisation en douceur" efficace et durable; on parle de la "romanisation" des Gaules, et il n'y a pas eu de guerre véritable.
- les technologies utilisées, aussi bien dans la topographie que dans la réalisation matérielle, ont rendu ces voies praticables en permanence -y compris les cols des Alpes-, ce qui évitait l'isolement des contrées.
Les routes principales ont d'abord relié les établissements importants pour la conquête (via publica, via militaris): camps militaires, passages difficiles par ponts et tunnels, zones de ressources naturelles (carrières, mines de fer et de plomb, bois et cultures). La stratégie est omniprésente. Le réseau s'est ensuite étoffé, avec des voies secondaires (via vicinalis), et des voies privées (via privata).
Il faut cependant souligner que les Romains n'étaient pas les premiers occupants des Gaules; des peuplades régionales celtes et gauloises existaient depuis longtemps sur ces territoires, qui ne constituaient pas une véritable nation. Des voies de communication existaient donc, mais de façon embryonnaire et très disparate, chaque peuplade locale vivant souvent en autarcie, donc sans besoin réel de déplacement sur de longues distances. Leur maintenance était souvent négligée, et elles n'étaient pas praticables en permanence.Par le biais de leur expansion et des travaux réalisés, ce sont les Romains qui ont en fait réalisé l'unité de la plupart des pays du bassin méditerranéen. Les peuplades locales qui s'ignoraient ont commencé à se déplacer -c'était beaucoup plus facile- et ont appris à connaître leur continent. Les Romains ont montré tout leur savoir-faire en ce domaine:

- utilisation des voies naturelles de communication (vallées, cluses), mais en évitant les causes de coupure par inondations (passage en surélévation) ou par intempéries (utilisation du versant sud).
- évitement des zones marécageuses, ou comportant des sols friables et peu stables (éventuellement, réalisation de routes "en dur" sur pilotis et poutres en bois).
- tracé en ligne droite partout où cela était possible (quitte à "avaler" des pentes importantes).- réalisation de tunnels et de ponts, uniquement pour éviter des détours trop importants, ou pour desservir des centres stratégiques ou de ressources. (réalisation, également, de nombreux gués, mais qui n'étaient pas toujours praticables)

La réalisation des routes elles-mêmes a toujours été très soignée, de façon à ce que ces routes soient durables et utilisables en permanence.
La route comportait un soubassement important (1 m. au minimum), en partant du dessous:

- une couche de drainage et de stabilisation, faite de gros blocs de pierre, installée après décapage des sols meubles superficiels.
- une (ou plusieurs) couche(s) de matériau meuble (sable, gravier, cailloux concassés, en alternance).
- un revêtement, fait en général de gravier, ou de gravier enrobé de béton, ou de dalles épaisses (ces derniers cas surtout dans les traversées d'agglomérations).
Des fossés latéraux étaient souvent réalisés, permettant l'écoulement de l'eau issue de la route dont le revêtement était en général bombé, ou pour éviter l'envahissement de la route par l'eau des terrains alentour.
La route classique avait une largeur utilisable de 4,5 à 7 m. (pour permettre le croisement de 2 voitures), mais son emprise au sol pouvait atteindre 7 à 10 m., avec des fossés et des murs de soutènement. Les Romains ont, les premiers, aménagé des chemins sur le passage des cols des Alpes, praticables en -presque- toutes saisons: Petit St Bernard, Mont Cenis, Mont Genèvre.

Les portions de route que l'on peut observer de nos jours sont souvent caractérisées par plusieurs faits:
- les routes modernes, développées à partir du 19° siècle, et surtout au 20° siècle (l'automobile) ont souvent utilisé le tracé des anciennes voies romaines -surtout sur les parcours difficiles-, mais avec une emprise au sol beaucoup plus importante, d'où un effacement des voies romaines à 80 %.
- on retrouve des voies romaines : sur des terrains presque plats sans difficultés (parce que dans ce cas, le tracé importe peu), sur des pentes importantes (parce que nos engins modernes s'en accomodent assez mal), ou lorsque les moyens modernes ont permis de s'affranchir des pentes naturelles (tunnels importants, ponts et viaducs); dans ce cas, le tracé des voies romaines a été abandonné, et les voies sont conservées.
- bien entendu, on retrouve peu de voies romaines dans les zones urbanisées depuis longtemps, ou alors en fouilles souterraines, lorsque le terrain a subi un comblement (naturel ou artificiel).
- par contre, il faut noter que les agglomérations importantes du temps de la civilisation romaine en Gaule ne sont pas nécessairement des centres importants de nos jours (les nécessités n'étaient pas les mêmes); certaines n'ont pas survécu au départ des Romains ou aux invasions qui suivirent, ce qui nous vaut de belles découvertes dans des contrées insoupçonnées. Les routes de l'époque servaient au passage des piétons, des animaux, et des chars à traction animale (boeufs ou chevaux). Il est à noter que les Romains étaient d'excellents constructeurs, mais manquaient d' inventivité dans le domaine des chars. Ils ont surtout utilisé des chars à un seul essieu (2 roues); pour des charges plus importantes, des chars à 2 essieux étaient utilisés, mais ces essieux étaient fixes (pas de guidage; c'est une opinion personnelle, les diverses reconstitutions proposées offrant un frottement bois sur bois ne pourraient pas tenir plus de 50 km.). De ce fait, certains archéologues ont pensé que les ornières que l'on peut constater sur des portions de voies bien conservées n'étaient pas nécessairement dues à l'usure, mais avaient été volontairement créées pour servir au guidage des roues (il semble que ce fait soit plus avéré dans certaines carrières antiques, où les charges étaient importantes, et les pentes parfois sévères). Retour

 


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