PONT DE NOUÂTRE SUR LA VIENNE
Depuis longtemps les habitants de Nouâtre et de Marcilly, séparés par la Vienne, demandaient le remplacement du bac à l'exploitation intermittente, par un pont donnant passage au chemin de grande communication n°= 108, afin d'assurer une relation directe et constante entre la région industrielle et agricole de la rive gauche, la gare de Nouâtre et le chef-lieu de canton de Sainte-Maure.
En 1913, les conseils minicipaux de Nouâtre et de Marcilly s'engagèrent à participer dans la dépense, mais la guerre étant survenue, toute étude fut ajournée.
Voici le compte rendu du conseil municipal de Nouâtre concernant la construction du pont.
"Procès verbal du Conseil Municipal de Nouâtre le 15 juin 1913
Un pont sur la Vienne : Remède universel
Monsieur le Maire expose les avantages que procurerait à la commune de Nouâtre un pont la reliant à Marcilly-sur-Vienne.
Beaucoup d'habitants doivent passer très souvent la Vienne pour cultiver leurs vignes et terres situées sur les coteaux de Marcilly.Quand ils emmènent ou ramènent leurs charettes chargées, ils sont obligés de faire le tour au pont de Pouzay ce qui allonge la route de 8 kms au moins.
D' autre part, les crues fréquentes de la Vienne ne permettent pas toujours de traverser en bac.
Le bourg de Nouâtre est chef-lieu de perception et possède une étude de notaire. S'il existait un pont à cet endroit, cela faciliterait beaucoup les habitants des communes de la rive gauche pour se rendre à la perception ou à l'étude.
Le pont en question serait le passage naturel des cultivateurs de Marcilly, de Ports et même de Luzé qui se rendent si souvent au marché de Ste Maure.
De ces passages fréquents, la commune de Nouâtre retirerait des avantages appréciables. Beaucoup d'ouvriers de Nouâtre et de Noyers qui travaillent quotidiennement aux Fours à Chaux de la rive gauche de la Vienne se rendraient plus facilement à leur travail et la gare de Nouâtre-Maillé serait utilisée par l'entreprise Vincent pour ses expéditions au lieu de celle de Pouzay plus éloignée.
Nous sollicitons le concours des munipalités de Ports, Luzé, Draché, Sainte-Maure et surtout celle de Marcilly aussi intéressèe au pont que celle de Nouâtre. La commune de Maillé a également intérêt à la construction du pont quiconstiturait une arrivée et un débouché pour la halte qu'elle demande sur la ligne de Paris-Bordeaux.
La question que nous agitons aujourd 'hui n'est pas nouvelle. Plusieurs fois elle a été étudiée mais aucun résultat sérieux n'a été obtenu. Le moment paraît propice pour reprendre les pour -parlers avec les communnes intéressées. La municipalité de Marcilly est prête à faire les mêmes sacrifices que Nouâtre.
Je vous propose donc de fixer la part contributive de la commune de Nouâtre dans la construction du pont à la somme de 20 000 Francs or. Cette somme est relativement considérable pour une petite commune comme la nôtre mais j'estime que les avantages généraux qu'elle retirera du pont compensera largement la dépense.
C 'était hier en 1913, la guerre 14-18 repoussa le projet et ce n'est qu'en 1932 que le pont actuel fut inauguré."
La question ayant été reprise, en 1927, par MM.Bouchet, Vincent et Anguille, Maires de Nouâtre, Marcilly et Ports, les populations intéressées marquèrent le vif intérêt qu'elles portaient à ce projet en souscrivant des sommes importantes. Et tandis que les communes de Nouâtre, Marcilly, Ports et Pussigny s'inscrivaient au total pour 247.500 francs, les listes de souscriptions particulières se couvraient de signatures et atteignaient près de 40.000 francs.
Devant cet effort local et suivant les conclusions de Mr Courson, Conseiller Général, Rapporteur désigné par la Comission des Travaux Publics, l'Assemblée Départementale prit l'engagement, le 24 août 1927, d'inscrire la construction du pont de Nouâtre à la suite des travaux en cours et adopta, le 27 octobre 1928, le projet d'établissement d'un pont en béton armé avec chaussée insubmersible aux abords.
L'emplacement le plus logique semblait être soit celui du bac, soit le prolongement de la rue principale du bourg de Nouâtre, mais les plus hautes eaux qui, en 1913, submergèrent une partie de l'agglomération, auraient obligé à remblayer de 2 mètres entre les maisons pour obtenir une voie à l'abri. Cette solution dut être écarté et l'ouvrage fut projeté en amont du bourg afin de ne pas aggraver la situation de ce dernier.
Le pont se compose:
Les poutres principales des trois travées centrales sont distantes de 6m.40 d'axe en axe et comprennent entre elles la chaussée de 4m.50 de largeur en béton et deux trottoirs de 0m.75 supportés par un hourdis de 0m.12 d'épaisseur reposant sur des entroises et des longerons. Les poutres sont constituées par une membrure supérieure parabolique de 47m. de portée, 8m80 de fléche et de 0m.35 X 0m.80 de section et par une membrure inférieure formant tirant et parapet de 48m. de longueur et de 0m.35X 1m.40 de section. L'arc et le tirant sont solidarisés par des aiguilles verticales espacées de 5 mètres d'axe en axe. Le contreventement supérieur est assuré par 4 poutres raccordées par des goussets à la membrure supérieure.
Les poutres droites des ponts de décharge formant parapet sont espacées de 6m.35 d'axe en axe et comprennent mêmes chaussée et trottoirs que pour les travées centrales.
L'emploi de ciment à haute résistance à raison de 400 kgr pour 0,400 de gravier et 0,800 de sable tout venant de la Vienne a permis de réduire au strict minimum les diverses dimensions de l'ouvrage et particulièrement d'adopter des arcs de faible section qui donnent un aspect de légèreté s'harmonisant très bien avec le paysage.
Les poutres reposent sur les maçonneries par l'intermédiaire d'appareils d'appui en acier moulé, fixes à une extrémité et mobiles à l'autre pour ménager les effets de la dilatation.
Les piles et culées en maçonnerie ont été fondées à sec et encastrées dans la couche d'argile bleuâtre dite " Argile de Gault" très compacte, qui recouvre le rocher sur une épaisseur de 15m., à la faveur d'enceintes de palplanches métalliques qui ont été laissées en place.
Les travaux exécutés par MM.Labry, Laloire et Cie, entrepreneurs, 9, rue Henri Murger, à Paris, furent commencés en mai 1929, mais ceux de maçonnerie en rivière subirent un certain retard du fait des crues, si bien que le tout ne fut achevé qu'en juin 1932.
L'ouvrage a été soumis , le 15 juin 1932, aux épreuves réglementaires d'une charge roulante représentant 400 kgr. par mètre carré de tablier obtenu au moyen de deux files de camions chargés. Les appareils de contrôle Rabut ont indiqué des flèches maxima de 2m/m.7 absolument négligeable.
Il a été mis en service le 19 juin
1932.
Il est long de 178 mètres et est une des causes de la disparition de la motte sur laquelle était construit le bourg. Il remplace le bac rudimentaire assurant autrefois les passages de proximité. Pour les transports plus importants aux siècles passés, seuls Châtellerault ou Chinon permettaient de franchir la Vienne.
La construction a nécessité la mise en oeuvre de 2.000 m3 de maçonneries diverses, 560 m3 de béton et ciment et 240 tonnes d'acier.
La dépense totale s'est élevée à 2.113.670 francs,soit 7.080.794 de nos francs ou encore 1.079.460 €uros dont 1.945.670 à l'entreprise; tous réglements ont été faits à l'amiable.
Cette dépense se repartit comme suit: 952.590 francs à la charge de l'Etats, 287.150 francs souscrits par les communes et les intéressés, et 873.930 francs à la charge du Département.
Il faut noter qu'un seul incident mortel lors de la construction du pont de Nouâtre, celle d'Alfred Gindre né a Nay dans le Jura le 17 décembre 1901, professeur de trait à Paris, Maître charpentier décédé le 31 Mai 1932 sur le pont de Nouâtre.
L'ouvrage a été étudié entièrement par les ingénieurs du Service Vicinal sous la direction de Mr Bodin, ingénieur en chef, et de Mr Dalbret, ingénieur principal, et les travaux exécutés sous leur contrôle ont étés surveillés par Mr Lemoigne, ingénieur à Sainte-Maure, et sur place par le surveillant Leclerc.
Le pont de NOUÂTRE a été innauguré officiellement le 31 juillet 1932, sous la présidence de Mr Camille Chautemps, Ministre de l'Intérieur, assisté de Mr Bernier, Sous-Secrétaire d'Etat au Ministère de l'Air et de Mr Courson, Député, Conseiller Général du Canton, en présence de Mr Bouchet Maire de Nouâtre, Mr Vincent Maire de Marcilly, Mr Anguille Maire de Ports ainsi que de toute la population.
GLOSSAIRE
Bow-string : Poutre joignant les extrémités d'une voûte afin d'en compenser la poussée horizontale Retour
Culée : Massif de maçonnerie qui contient la poussée d'un arc, d'une voûte, d'une arche (en particulier l'arche extrême d'un pont ). Culée d'un arc-boutant : partie de l'arc-boutant qui retient la poussée de l'arc et la conduit dans le sol. Retour
Membrure : Ensemble des pièces constituant la poutraison d'un pont. Retour
Tirant : Pièce de bois ou de métal (généralement horizontale ) d'une charpente, située à la base d'une ferme dont elle empêche l'écartement . Fer, généralement profilé, retenant un mur soumis à une pression. Toute pièce travaillant à la traction, qui maintient en place un mur, une paroi, une cloison, etc. Retour
Contreventement : Tout élément de construction destiné à empêcher une charpente ou un mur de s'abattre sous l'effet du vent. Par ext. Tout lien raidisseur des éléments d'une charpente. Retour
Gousset : Pièce de charpente oblique servant à renforcer les bras d'une potence. Plaque métallique ou de bois constituant l'une des joues qui, enserrant plusieurs pièces de charpentes concourantes, en assurent l'assemblage. Plaque de bois servant à supporter une tablette murale. Retour
Palplanche : Poutrelle profilée, généralement métallique, employée comme pieu et dont l'assemblage par emboîtement avec d'autres permet de constituer dans le sol des parois étanches. Retour
La Vienne : Rivière du centre-ouest de la France, affluent de la Loire (rive gauche ); 372 km.
Née sur le plateau de Millevaches, La Vienne est une rivière qui prend sa source dans le Massif Central, au sud est de Limoges.Après cette ville, elle traverse St Junien puis Confolens. Puis elle remonte plein nord vers l'Isle Jourdain, Lussac les Chateaux, Civaux, Chauvigny puis Chatellerault.Elle recoit les eaux de la Creuse à Port de Piles, puis la Vienne passe près de Sainte Maure, à Nouâtre et s'oriente à l'ouest, traverse l' Ile Bouchard et Chinon avant de se jeter dans la Loire à Candes et Montsoreau. L'Abbaye de Fontevraud est toute proche de Candes. N'oubliez pas non plus Richelieu qui n'est qu'à 20 km au sud de Chinon. Régime pluvial océanique. Hydroélectricité. RetourCamille Chautemps :Homme politique français (Paris, 1885 - Washington, 1963 ).
Il fut plusieurs fois président du Conseil, entre 1930 et 1938, puis fit partie des cabinets Daladier et Reynaud (1938 -1940 ) et du premier gouvernement Pétain, qu'il quitta le 10 juillet 1940. Retour